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Discours du ministre fédéral des Affaires étrangères Johann Wadephul lors du débat général de la 80e Assemblée générale de l’ONU

27.09.2025 - Discours

Excellences,

Le 10 décembre 1932, un ami d’Albert Einstein vint le chercher avec son épouse dans leur maison près de Berlin. Ils se rendirent ensemble dans la ville portuaire allemande de Brême. Là-bas, Albert et Elsa Einstein montèrent à bord d’un bateau en partance pour l’Amérique du Nord.

Albert Einstein avait l’intention d’accepter un poste de professeur invité de trois mois à l’Institut de Technologie de Californie. Lui qui fut l’un des plus grands physiciens de tous les temps ne retournera plus jamais en Allemagne. À peine quelques semaines plus tard, les nazis arrivèrent au pouvoir.


Excellences,

Cette année marque le 80e anniversaire de la conférence de San Francisco et de la fondation des Nations Unies. La Shoah et la guerre mondiale déclenchée par l’Allemagne nous ont enseigné que le déni de la dignité humaine détruit des vies, des nations et des cultures.

Les fondateurs des Nations Unies se sont réunis car ils croyaient que la défense de la liberté renforcerait l’humanité qui nous lie. Ils croyaient en un ordre mondial qui donna à mon pays l’opportunité de s’engager en faveur de la paix, de la prospérité et de la sécurité, au sein de la famille des peuples. Au sein des Nations Unies.

Nous, Allemands, en sommes profondément reconnaissants.

Cela signifie toutefois également que nous nous sentons particulièrement responsables de ces – de nos – Nations Unies. Albert Einstein écrivait en 1947 : « Aucune organisation internationale ne peut être plus puissante que ses membres ne le veulent. »

En d’autres termes : cela ne tient qu’à nous, les États membres.

Nous sommes les Nations Unies. Nous voulons que ces Nations Unies soient puissantes.

Aujourd’hui, mon pays se porte à nouveau candidat à un siège de membre non permanent au Conseil de sécurité pour la période 2027-28. Cette candidature tombe dans une période d’instabilité et de bouleversements sans précédent.


Au Soudan et dans les pays voisins, nous assistons à la pire catastrophe humanitaire de notre époque : plus de 30 millions de personnes ont besoin d’aide humanitaire. Plus de 12 millions ont dû quitter leur pays. Nous devons tous nous mobiliser davantage afin de mettre un terme à cette tragédie. La sécurité de la région entière est en jeu.

L’horrible guerre à Gaza continue de faire rage. C’est l’enfer sur terre. Un cauchemar humanitaire, au moment même où nous parlons. Il faut mettre fin à cette guerre. Les otages doivent être libérés. L’existence et la sécurité d’Israël relèveront toujours de notre raison d’État.

Il doit y avoir un avenir de paix et de dignité pour tous les habitants du Proche-Orient. Comme nous l’avons souligné cette semaine dans cette salle : deux États pour deux peuples. C’est la seule solution. Je salue toutes celles et ceux qui continuent d’œuvrer sans relâche pour parvenir à la paix, en particulier les États-Unis d’Amérique.


L’Iran a créé et armé un réseau de forces par procuration hostiles qui déstabilise la région. En outre, ce pays met en œuvre depuis de nombreuses années un programme nucléaire qui va bien au-delà de toute utilisation civile plausible.

Il est pour nous absolument capital que l’Iran ne possède jamais l’arme nucléaire. Étant donné que ce pays ne respecte pas ses engagements découlant du Plan d’action global commun convenu en 2015, nous n’avions pas d’autre choix que de déclencher le mécanisme « snapback » des sanctions. Après un vote sans équivoque hier, au Conseil de sécurité, les sanctions entreront à nouveau en vigueur dans le courant de la journée.

Je tiens toutefois à préciser que nous restons ouverts à des négociations sur un nouvel accord. Les efforts diplomatiques peuvent et devraient se poursuivre.

Sur mon propre continent, en Europe, la Russie mène une guerre d’agression contre son voisin souverain, l’Ukraine. Une guerre que l’Ukraine n’a aucunement provoquée. Une guerre qui met en évidence le mépris de la règle la plus fondamentale de toutes les règles de la Charte de l’ONU : celle qui stipule que « tous les membres s’abstiennent de recourir à l’emploi de la force contre l’intégrité territoriale de tout État ». Une règle dont l’application relève de la responsabilité particulière des membres permanents du Conseil de sécurité.


Alors que nous nous concentrons sur les crises humanitaires et de politique de sécurité actuelles, nous sommes conscients que ces crises sont exacerbées par les crises mondiales que sont la pollution de l’environnement, le changement climatique et la perte de la biodiversité – autant de crises qui menacent d’engendrer plus d’instabilité, plus de conflits autour des ressources ainsi que la perte de davantage de vies humaines et de bases de subsistance.

Forte de ses 80 ans, notre précieuse Organisation est confrontée à de grands défis : une crise budgétaire, une crise du multilatéralisme et un mépris du droit international.

En cette période de crise, nous nous sommes fixé trois objectifs essentiels qui figurent au cœur du travail que mène l’Allemagne aux Nations Unies depuis des décennies, et qui résument notre candidature au Conseil de sécurité. Justice. Paix. Respect.

Depuis notre adhésion aux Nations Unies, nous persistons à défendre l’idée que la justice est synonyme de développement.

« Là où sévit la faim, il n’y pas de paix durable », déclarait en 1973 le chancelier fédéral Willy Brandt lors de son premier discours devant les Nations Unies.

La justice nécessite que chaque être humain ait accès à de la nourriture, à de l’eau propre, à l’éducation et à des soins.

L’Allemagne est le deuxième contributeur au système des Nations Unies. Nous sommes l’un des principaux donateurs d’aide humanitaire pour Gaza. Nous continuerons d’apporter de l’aide via des partenaires établis qui se conforment aux principes humanitaires, dont les Nations Unies.

Ce soutien doit parvenir aux personnes qui en ont le plus urgemment besoin. Nous réitérons notre appel urgent à Israël pour qu’un accès sûr de l’aide humanitaire soit possible.

Nous soutenons le travail du HCR dans les camps de réfugiés au Soudan et dans les pays voisins. Par l’intermédiaire du HCR, nous aidons des pays à fournir aux réfugiés des hébergements, de la nourriture et des soins médicaux.

Nous œuvrons également pour donner aux personnes une perspective à long terme. J’ai moi-même vu comment des citoyennes et des citoyens de Marioupol ont pu trouver refuge dans un centre mis en place par le HCR dans la ville de Dnipro. Ou encore comment des personnes déplacées dans la plaine de la Bekaa au Liban ont pu retourner, grâce au soutien du HCR, dans leurs communes reconstruites.

Le concept de la justice comprend également la lutte contre le changement climatique. Je viens moi-même d’une région côtière du Nord de l’Allemagne et connais de première main les risques liés à la montée du niveau de la mer ainsi que les conséquences de celle-ci.

À celles et ceux dont la sécurité et les bases de subsistance sont d’ores et déjà menacées par le dérèglement climatique, je peux leur assurer ceci : nous sommes et restons à vos côtés.

La justice climatique implique de soutenir les personnes les plus sévèrement touchées, de les aider à s’adapter et à gérer les pertes auxquelles elles sont déjà confrontées. Cela signifie qu’il faut réduire considérablement les émissions mondiales et maintenir à portée de main l’objectif du 1,5 degré. L’Allemagne constituera un partenaire fiable dans cette tâche. Nous maintenons notre objectif d’atteindre la neutralité climatique d’ici 2045.


Excellences,

Justice. Paix. Respect. Il y a 35 ans, nous avons fait la promesse qu’une Allemagne réunifiée œuvrerait à la paix et à la stabilité.

Nos contributions au maintien et à la consolidation de la paix sont la preuve que nous tenons cette promesse. Des soldates et soldats allemands, des forces de police allemandes et du personnel allemand ont participé à quatorze opérations de paix ces 35 dernières années.

Actuellement, l’armée allemande dirige la composante maritime de la FINUL au large de la côte du Liban. Des militaires allemands soutiennent la MINUSS et la MINURSO. Nous contribuons par ailleurs financièrement à la sécurité de Haïti, où des gangs terrorisent la population civile – une situation face à laquelle l’ONU joue un rôle essentiel pour la paix et la sécurité.

Nous sommes fiers que des ressortissants allemands hautement qualifiés occupant des postes importants veillent à ce que le système onusien fonctionne et continue de se développer. L’Allemagne continuera de mettre du personnel qualifié à disposition du système des Nations Unies et de s’engager à tous les niveaux en faveur de la paix, du développement et des droits humains.

Nous sommes le principal donateur pour les mesures de consolidation de la paix mises en œuvre par l’ONU. L’Allemagne préside la Commission de consolidation de la paix jusque janvier prochain, conformément à notre engagement de longue date pour soutenir les efforts nationaux visant à consolider la paix et à prévenir les conflits. Nous avons en effet la conviction que des sociétés civiles résilientes et des institutions fortes sont indispensables pour s’attaquer aux causes des conflits et créer une paix durable. Le programme « Femmes, paix et sécurité » apporte une contribution essentielle à cet égard.

Justice. Paix. Respect.

Le respect de la Charte des Nations Unies et de ses objectifs et principes fondamentaux que nous nous sommes tous engagés à respecter. Ici à New York, dans l’enceinte des Nations Unies, tous ces pays se rassemblent afin de discuter de solutions pacifiques aux conflits dans le monde entier.

C’est ici que nous nous retrouvons. Nous, les Nations Unies. C’est un endroit comme aucun autre.


Excellences,

Par respect du droit international et des droits humains, l’Allemagne œuvre pour la création d’un tribunal spécial pour le crime d’agression contre l’Ukraine. C’est pourquoi nous soutenons et défendons les tribunaux internationaux. C’est pourquoi nous nous engageons pour la protection des défenseuses et défenseurs des droits humains lorsqu’ils sont menacés. Nous adhérons au droit international humanitaire.


Mesdames, Messieurs,

Le respect implique aussi des réformes. Après 80 ans, nous devons garantir que nos institutions représentent le monde tel qu’il est aujourd’hui. Le Conseil de sécurité a besoin de sièges –permanents et non permanents – supplémentaires afin de refléter les réalités du monde. L’Allemagne est convaincue que des sièges permanents supplémentaires doivent être donnés à des régions qui sont aujourd’hui sous-représentées : l’Afrique, l’Asie et l’Amérique latine.

Il est aujourd’hui plus important que jamais que nos Nations Unies puissent remplir leurs missions. C’est pour cela que le processus ONU80 doit réussir. Aujourd’hui, les Nations Unies ont besoin de notre soutien !


Excellences,

Nous serions tous perdants dans un monde où s’applique le droit du plus fort et où les règles internationales sont caduques. Un monde où les traités ne sont contraignants que pour les faibles et où la guerre est la poursuite de la diplomatie par d’autres moyens. Un tel monde serait au final gouverné par la violence.

Justice. Paix. Respect.

Telle est l’offre faite par l’Allemagne à chaque nation représentée ici dans cette vénérable salle.

Une offre visant à écouter, à coopérer et à trouver des solutions. Une offre reposant sur notre volonté d’écouter attentivement vos préoccupations. Et c’est une offre que nous appuyons – une offre sur laquelle vous pouvez toujours compter. Aujourd’hui comme demain.

Je vous remercie.

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