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Discours du ministre des Affaires étrangères Johann Wadephul au sujet du centenaire de l’Office allemand d’échanges universitaires

04.07.2025 - Discours

Magnificence [Monsieur le Président],
Spectabilis [Monsieur le Doyen],
Commilitones [Chers condisciples],

La devise de la Freie Universität, l’Université libre de Berlin, étant en latin, je me suis dit que j’allais voir ce que j’avais retenu de mes années étudiantes. En me tenant dans cet amphithéâtre, je ne peux que repenser à cette belle époque. Je vous remercie donc pour cette invitation ! Elle me fait du bien à titre personnel.

Chères boursières, chers boursiers,

480 boursières et boursiers venant de 94 pays, nous venons de l’entendre, sont aujourd’hui ici dans cette salle. Ils font des études ou passent leur thèse de doctorat à Berlin, dans le Brandebourg, dans le Mecklembourg-Poméranie occidentale, en Saxe, en Saxe-Anhalt ou en Thuringe. Oui, les Länder sont essentiels en Allemagne, je vous le dis aussi en ma qualité de ministre des Affaires étrangères.

Juste avant cet événement, j’ai pu échanger quelques mots avec certaines et certains d’entre vous, ce qui m’a permis d’en apprendre davantage sur vous-mêmes, vos expériences ici en Allemagne, vos projets, vos espoirs et vos plans pour l’avenir. Je voudrais réitérer ici ce que j’ai articulé à l’instant en comité restreint : je me réjouis énormément que votre parcours universitaire vous ait conduits en Allemagne.

Je le dis à dessein en tant que ministre des Affaires étrangères de l’Allemagne. En effet, vous qui étudiez, faites de la recherche ou passez votre diplôme ici en Allemagne, vous êtes pour nous des ambassadrices et ambassadeurs de vos pays. Vous faites partie des échanges mondiaux et des rencontres personnelles entre individus, sans lesquels la science et l’enseignement universitaire, mais aussi la politique étrangère, seraient impossibles.

Traditionnellement, la politique étrangère de l’Allemagne repose sur différents piliers : la diplomatie classique, les échanges entre chefs d’État, ministres et ambassadeurs ; sur l’économie, qui constitue également une pierre angulaire de nos relations extérieures ; et sur la culture.

Les missions de la politique étrangère allemande sont devenues plus grandes, notamment en raison de la guerre en Europe. L’on parle désormais plutôt de rouages qui s’engrènent les uns dans les autres que de piliers. La « diplomatie culturelle et sociétale » fait aujourd’hui partie intégrante de notre politique étrangère qui favorise la compréhension et l’entente entre les individus, entre nos sociétés.

Une politique étrangère qui mise sur le fait que les rencontres personnelles permettent de nouer des relations, de faciliter la compréhension et d’établir la confiance – d’une manière qui, dans d’autres domaines, serait sans doute impossible. Des rencontres entre scientifiques, artistes, élèves et précisément aussi entre vous-mêmes, qui êtes ici en Allemagne pour étudier ou pour passer une thèse.

Une politique étrangère de longue haleine, qui est tournée vers l’avenir et qui mise sur le fait que vous toutes et tous continuerez à vous sentir proches de l’Allemagne une fois votre séjour dans notre pays terminé. Qui mise aussi sur le fait qu’un jour, dans votre université, dans votre entreprise, votre ministère, votre parlement, ou où que vous soyez à l’avenir, vous expliquerez l’Allemagne, en ferez la publicité et encouragerez également, je l’espère, d’autres personnes à apprendre à connaître ce pays et ses habitants. Et que vous deviendrez alors nos ambassadrices et ambassadeurs de l’Allemagne à travers le monde.

J’ai toutefois la conviction qu’une diplomatie culturelle et sociétale de la sorte est uniquement possible en tant que politique étrangère menée dans la liberté, pour la liberté. Dans la liberté parce qu’un gouvernement par le haut ne saurait ordonner ou piloter une telle politique étrangère, mais qu’il pourrait tout au plus la promouvoir et l’accompagner politiquement.

C’est la raison pour laquelle nous misons sur des « organismes de relais » multiples et autonomes dans le cadre de notre diplomatie culturelle et sociétale, tels que le Goethe-Institut, l’ifa (Institut für Auslandsbeziehungen), la Commission allemande pour l’UNESCO et, dans le domaine des échanges universitaires, la Fondation Alexander von Humboldt et, bien évidemment – j’en arrive à l’objet de cette cérémonie –, l’Office allemand d’échanges universitaires (DAAD) depuis exactement 100 ans.

Il vaut la peine de rappeler – le Professeur Mukherjee l’a déjà évoqué – que le DAAD a originellement été créé, il y a 100 ans de cela, pour permettre à des étudiantes et étudiants allemands, après la catastrophe de la Première Guerre mondiale, de rebâtir des relations par-delà les fossés, la haine et les victimes de la guerre, découvrir d’autres pays et sortir et libérer par là même l’Allemagne de son isolation internationale ainsi qu’intellectuelle.

De cette initiative initialement privée s’est ensuite développée au fil des décennies, mais surtout après la rupture marquée par la Seconde Guerre mondiale et la Shoah, la plus grande organisation de nos jours au niveau mondial consacrée à la promotion d’échanges internationaux entre étudiants et entre scientifiques. Depuis 1925, le DAAD a soutenu près de trois millions d’universitaires et des milliers de projets de coopération universitaire.

Aujourd’hui, le DAAD soutient chaque année 140 000 universitaires allemands et internationaux dans leurs séjours à l’étranger. Cela représente chaque année 140 000 ambassadrices et ambassadeurs de la compréhension et de l’entente, des échanges scientifiques et de l’innovation.

Monsieur le Professeur Mukherjee, je vous félicite très chaleureusement, ainsi que toute l’équipe du DAAD et vous aussi, chères boursières et chers boursiers, pour cette réussite ! C’est grâce à notre large éventail d’organismes d’échanges et scientifiques indépendants que vous êtes réunis ici aujourd’hui, que l’Allemagne compte actuellement quelque 400 000 étudiantes et étudiants internationaux et plus de 80 000 scientifiques venus du monde entier.

Mais si c’est le cas, c’est aussi parce que pour nous, Allemands – j’en suis également convaincu –, la liberté même de la science et de la recherche constitue un bien si précieux, justement en raison de l’expérience historique que nous avons faite de la privation de la liberté, de l’expulsion et de la persécution de si nombreux scientifiques à l’époque nazie, mais aussi en RDA.

Or je suis tout à fait conscient que les conflits politiques de ce monde, que les débats menés sur le rôle de l’Allemagne dans ce monde, que la polarisation sociétale que nous sommes en train de vivre sur de nombreux sujets ne s’arrêtent évidemment pas aux portes des universités et des instituts de recherche.

Et c’est aussi une bonne chose et un point important – je le dis sciemment en tant que ministre des Affaires étrangères de l’Allemagne. Car la recherche de qualité et les innovations porteuses d’avenir ne sont possibles que dans un environnement où règne le libre échange des personnes et des innovations, et cela vaut tout autant pour une bonne politique et une politique étrangère efficace.

Dans cette période confuse et face à autant de défis sans précédent pour notre sécurité, notre liberté et notre prospérité, nous avons là aussi besoin des meilleures idées, de la concurrence des concepts ainsi que de l’opposition et du regard extérieur.

C’est pourquoi il est important que celles et ceux qui, comme vous, viennent chez nous en Allemagne pour y étudier ou faire de la recherche puissent participer à ces débats, dans les limites de nos lois et en toute conscience de notre expérience et de notre responsabilité historiques. Et que vous puissiez en même temps suivre votre formation scientifique et effectuer vos travaux de recherche libres de toute ingérence politique ou de toute autre contrainte.

À l’avenir également, nous continuerons à défendre et à protéger la liberté des arts, de la science, de la recherche et de l’enseignement, telle qu’elle est garantie par l’article 5 de notre Loi fondamentale. Nous observons avec inquiétude que dans un nombre croissant de pays, y compris dans notre voisinage européen ainsi que parmi nos alliés traditionnels, cette liberté ne va aujourd’hui plus de soi. Que des scientifiques quittent leur pays et cherchent d’autres endroits pour y mener leurs activités, parce qu’ils craignent pour la liberté de l’enseignement et de la recherche. Cela représente une perte douloureuse pour la recherche, pour l’innovation et pour le libre dialogue dans ces pays – quelque chose que nous aussi, Allemands, avons vécu durant notre histoire.

C’est pourquoi nous nous devons d’offrir, ici en Allemagne, un refuge et une perspective aux personnes qui, en raison de leurs convictions politiques, de leur origine ou de leur sexe, se voient refuser la possibilité de suivre une formation universitaire dans leur pays. Cela vaut aussi pour les universitaires qui sont exposés de manière très concrète à des dangers menaçant leur vie, leur intégrité corporelle ou leur liberté personnelle et qui sont donc contraints de quitter leur pays.

En début de semaine, je me suis rendu – cela a déjà été mentionné – en Ukraine, où j’ai pu me faire une idée de la destruction sur place. Des milliers de personnes, parmi lesquelles de nombreux scientifiques et étudiants, ont dû quitter leur pays. Nos programmes de protection, tels que le programme Hilde Domin et l’initiative Philipp Schwartz, concrétisent à mes yeux notre attachement à la liberté de la science. Et malheureusement, ils sont aujourd’hui plus nécessaires et demandés que jamais.

Dans le même temps, ces programmes, tout comme le soutien que nous apportons de manière générale aux échanges universitaires et scientifiques, l’action culturelle du Goethe-Institut, mais aussi notre appui aux écoles allemandes et à l’apprentissage de l’allemand comme langue étrangère dans d’autres pays, constituent un volet stratégique de notre politique extérieure. Car tous ces instruments contribuent à expliquer et représenter notre pays et nos valeurs dans le monde, valeurs qui incluent justement aussi la liberté de la science. Et ils servent ainsi également nos valeurs et nos intérêts : notre intérêt pour la sécurité et la liberté, lorsque nous promouvons la liberté de la science et de la recherche dans d’autres pays et que nous défendons ainsi avec assurance notre modèle sociétal libéral dans le monde, mais aussi lorsque nous opposons des faits, des connaissances et des liens personnels aux récits mensongers et à la désinformation sur l’Allemagne. Ces instruments servent aussi notre intérêt pour la prospérité économique lorsque nous encourageons l’innovation et le renforcement de la science et de la recherche en Allemagne.

À cet effet, nous avons notamment ancré dans l’accord de coalition le programme « 1.000 Köpfe » qui vise à recruter des talents internationaux pour le pôle scientifique et de recherche qu’est l’Allemagne. Et lorsque je regarde autour de moi dans cette salle aujourd’hui, lorsque je songe aux discussions que j’ai pu mener tout à l’heure avec certaines et certains d’entre vous, j’ai la certitude que nous sommes d’ores et déjà sur la bonne voie et que quelques-uns parmi vous envisagent également de rester dans notre pays. Vous êtes les bienvenus chez nous !

À l’avenir, nous voulons axer encore davantage ces instruments et domaines de notre diplomatie culturelle et sociétale sur ces valeurs et intérêts.

Ce faisant, nous voulons aussi fixer encore plus de priorités régionales qui correspondent aux priorités et aussi aux défis de notre politique étrangère dans son ensemble : le renforcement du partenariat transatlantique, la défense de l’Ukraine et de nos partenaires en Europe de l’Est et en Europe centrale et orientale face à l’agression russe – qui, dans une large mesure, est également une bataille des récits, de la désinformation, des cœurs et des esprits –, ou encore les efforts en faveur de la liberté, de la paix et de la stabilité, par exemple en Syrie.
Il ne s’agit pas ici – et c’est ce qui nous distingue des systèmes autoritaires avec lesquels nous sommes en concurrence à l’échelle mondiale – d’instrumentaliser la science et la recherche à des fins politiques, mais c’est au contraire précisément un engagement pour la liberté, dans la science et la recherche et au-delà.

« Là où il n’y a pas de liberté, il n’y a pas non plus d’université », a déclaré le commandant militaire américain de Berlin de l’époque, Frank Howley, lors de l’inauguration en décembre 1948 de cette université, la Freie Universität Berlin. Cela pourrait être le slogan de notre diplomatie culturelle et sociétale. Et cela montre aussi qu’on n’aurait pu choisir meilleur endroit à Berlin pour célébrer aujourd’hui à vos côtés le centenaire du DAAD. Je me réjouis de votre présence et vous remercie.

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