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Dix ans de conflit en Syrie – sept questions à la politique étrangère allemande

Après dix années de conflit, le bilan est dramatique : plus de 500 000 personnes ont trouvé la mort, et plus de la moitié de la population syrienne a dû quitter le pays, © WFP/Abeer Etefa
Le conflit en Syrie dure depuis dix ans. Ce qui a commencé par des manifestations contre le dirigeant Bachar Al-Assad est aujourd’hui un conflit de dimension internationale. Réponses à sept questions importantes.
1. Quelle est la situation après dix années de conflit ?
Après dix années de conflit, le bilan est dramatique : plus de 500 000 personnes ont trouvé la mort, et plus de la moitié de la population syrienne a dû quitter le pays. L’économie est exsangue en raison de la corruption et de la mauvaise gestion. Ce qui a commencé en 2011 par des manifestations pacifiques contre le dirigeant syrien Bachar Al-Assad est rapidement devenu un conflit armé de dimension internationale. Malgré les efforts constants des Nations Unies, aucune solution politique ne semble se profiler. Le régime syrien continue en effet à vouloir faire basculer le conflit en sa faveur par la répression et en usant de moyens militaires, et fait traîner le processus politique mené par l’ONU. Son objectif premier est de rester au pouvoir, au détriment de la population syrienne.
Toutefois, la situation humanitaire en Syrie est catastrophique. D’après les informations des Nations Unies, le nombre de personnes dépendant de l’aide humanitaire en 2021 est passé de 11 à 13 millions. À cela s’ajoutent l’état calamiteux de l’économie et la pandémie de Covid-19. Pour près de trois millions de personnes qui ont été déplacées dans le nord-ouest du pays, la situation est particulièrement désastreuse.

Là-bas, de nombreuses familles vivent dans des camps de tente ou dans des abris de fortune dans de très mauvaises conditions. Elles n’ont souvent pas accès aux infrastructures de base comme l’eau courante et l’électricité. L’aide humanitaire ne peut parvenir à ces personnes que via la Turquie conformément à la résolution relative au mécanisme d’acheminement de l’aide transfrontalière adoptée par le Conseil de sécurité des Nations Unies. Cette résolution expirera en juillet 2021. Si elle n’est pas prorogée, des centaines de milliers de personnes pourraient être totalement privées d’aide humanitaire.
Le régime de terreur de Daech a été particulièrement dévastateur dans le nord-est de la Syrie. Certes, on considère que Daech a été vaincu du point de vue territorial, mais les défis restent énormes : l’organisation terroriste continue en effet de commettre des attentats dans quasiment toute la Syrie, en particulier récemment au centre et dans le nord-est du pays, et cherche toujours à déstabiliser la situation.
2. Quels sont les engagements de l’Allemagne en matière de politique étrangère ?
Pour le gouvernement fédéral, une paix véritable et durable ne sera possible en Syrie que par la mise en œuvre d’une solution politique prenant en compte l’intérêt de tous les Syriens de la même manière. Tant qu’il n’y aura pas d’évolution politique crédible sur ce point, ni l’Allemagne ni ses partenaires européens ne soutiendront la reconstruction du pays et ne normaliseront leurs relations avec la Syrie. Les efforts de reconstruction ont justement besoin de ce changement politique pour être pérennes et porteurs d’avenir.
Dans ce contexte, l’Allemagne s’engage activement en faveur d’une solution politique au conflit syrien sur la base de la résolution 2254 du Conseil de sécurité de l’ONU. Elle soutient en particulier l’important travail réalisé par Geir Pedersen, l’envoyé spécial du secrétaire général des Nations Unies pour la Syrie, tant sur le plan politique que financier. Les fonds alloués pour l’organisation et la mise en œuvre des négociations de Genève sont un exemple de l’appui allemand. Les cinq sessions du Comité constitutionnel syrien qui ont eu lieu jusqu’à présent ont réuni le régime, l’opposition et la société civile du pays. Aucun projet de nouvelle constitution n’a toutefois pu être élaboré pour l’instant en raison notamment de l’attitude de blocage du régime syrien. L’Allemagne s’efforce de relancer le processus de négociation, d’une part en soutenant les projets de médiation et en renforçant les acteurs constructifs dans le cadre de la « Syria Peace Initiative », et d’autre part en agissant sur les partenaires et les alliés du régime pour encourager un retour à la table des négociations.
3. Comment l’Allemagne soutient-elle la population en Syrie ?

La Syrie et l’assistance face aux conséquences du conflit sont une priorité de l’aide humanitaire allemande. L’année dernière, l’Allemagne a mis à disposition environ 672 millions d’euros pour des dispositifs d’aide humanitaire en Syrie, à qui étaient destinés plus de la moitié des fonds, et dans les pays voisins. Depuis le début du conflit, elle a ainsi engagé plus de 10 milliards d’euros. L’aide humanitaire est procurée sur le terrain par les Nations Unies, le Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge ainsi que par diverses ONG humanitaires. L’objectif est d’améliorer l’alimentation, la santé et l’accès aux soins, et de fournir des abris, une sécurité ainsi qu’une protection entre autres contre les violences sexuelles et les persécutions. L’aide est apportée dans les 14 gouvernorats syriens en fonction des besoins et sur la base des principes humanitaires.
Il convient en outre de citer l’engagement fort du ministère fédéral des Affaires étrangères en matière de stabilisation. Environ 250 millions d’euros, dont 45 millions l’an dernier, ont été débloqués pour soutenir le processus politique, la stabilisation des territoires libérés du contrôle de Daech dans le nord-est du pays et le renforcement des acteurs et des structures de la société civile depuis le début du conflit.
Lors de la prochaine conférence des donateurs à Bruxelles, le gouvernement fédéral prévoit d’accorder de nouvelles aides de grande ampleur, mais aussi de plaider en faveur de l’engagement humanitaire d’autres nations.
4. Comment l’Allemagne soutient-elle les pays voisins de la Syrie dans l’accueil des réfugiés ?
L’Allemagne est en contact étroit avec les pays voisins de la Syrie, qui ont réalisé l’incroyable depuis le début de conflit. Le Liban, par exemple, a accueilli plus de 1,2 million de Syriens, alors que le pays ne compte que 6 millions d’habitants. La Jordanie et la Turquie ont elles aussi accueilli de nombreux réfugiés. L’Allemagne fournit également une aide humanitaire importante dans ces pays. Le gouvernement fédéral appuie par exemple les actions du Programme alimentaire mondial pour la sécurité alimentaire et le programme de l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés qui procure des abris, des biens de première nécessité et une aide juridique aux personnes. Au Liban et en Jordanie, l’engagement du ministère fédéral des Affaires étrangères en faveur de la stabilisation se manifeste en outre par un soutien aux projets d’amélioration de la cohabitation et de la compréhension entre les communautés d’accueil et les réfugiés syriens.
5. Qu’en est-il du retour des réfugiés et des personnes déplacées à l’intérieur du pays en Syrie et dans leur région d’origine ?
Le gouvernement fédéral partage l’avis de l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés : le retour volontaire des millions de réfugiés et de personnes déplacées à l’intérieur du pays en Syrie et dans leur région d’origine n’est toujours pas envisageable dans des conditions garantissant sécurité et respect de la dignité. Bien que la grande majorité des réfugiés souhaite retourner en Syrie, rares sont ceux qui pensent que cela sera possible dans un avenir proche, avant tout pour des raisons de sécurité. Ils ont en effet souvent été expropriés de leur habitation et de leurs biens. D’autres menaces pèsent également sur eux : enrôlement militaire forcé, emprisonnement arbitraire ou torture, notamment par le régime syrien, violences physiques et sexuelles. L’absence de perspectives économiques et l’effondrement du système éducatif et de santé constituent également des obstacles à un retour rapide en Syrie. Le régime refuse que les acteurs humanitaires comme l’UNHCR entretiennent des contacts réguliers avec les rapatriés. Lui seul peut faire évoluer cette situation par un changement de politique.
6. Que fait l’Allemagne pour mettre fin à l’impunité des crimes contre l’humanité commis en Syrie ?
Pour le gouvernement fédéral, une paix durable ne sera possible en Syrie que lorsque les crimes de guerre et les atrocités commises durant le conflit feront l’objet d’une procédure pénale et que les coupables auront à répondre de leurs crimes.
C’est pour cela que l’Allemagne soutient de manière très concrète les initiatives et les mécanismes internationaux mis en place contre l’impunité dans le conflit syrien. La Commission d’enquête internationale indépendante sur la Syrie, créée dès 2011 sur une initiative de l’Allemagne, joue un rôle clé en la matière. C’est aussi le cas du Mécanisme international, impartial et indépendant des Nations Unies chargé de faciliter les enquêtes sur les violations du droit international commises en Syrie. Le gouvernement fédéral a contribué à la création et au développement de ce dispositif entre 2017 et 2019 à hauteur d’un million d’euros par an et fait ainsi partie de ses plus grands promoteurs. L’année dernière, son financement a finalement été intégré au budget ordinaire des Nations Unies.
De plus, grâce au principe de compétence universelle, l’Allemagne est pionnière dans la poursuite des crimes les plus graves commis en Syrie. En février 2021, un accusé syrien a en effet pour la première fois été condamné pour complicité de crime contre l’humanité par le tribunal régional supérieur de Coblence.
L’Allemagne soutient en outre plusieurs ONG et initiatives ayant pour objectif la documentation et le traitement social et judiciaire des crimes contre l’humanité commis dans le cadre du conflit, telles que la Commission for International Justice and Accountability, la Commission internationale des personnes disparues et le Syria Justice and Accountability Center.
Pour plus de renseignements sur l’engagement allemand contre l’impunité (en allemand)
7. Sanctions : quel régime de sanctions l’Union européenne doit-elle adopter ?
Depuis 2011, un régime de sanctions a été mis en place par l’Union européenne à l’encontre de la Syrie. Les sanctions concernent les personnes et les entités qui se sont rendues coupables de crimes en Syrie, qui soutiennent le régime ou qui tirent parti des actes de guerre. Elles interdisent également l’exportation vers le pays de certains biens qui pourraient par exemple être utilisés pour réprimer la population ou encore des produits de luxe dont profite le régime.
L’objectif des sanctions européennes est de pousser le régime de Bachar Al-Assad à abandonner ses méthodes brutales et violentes contre la population civile de son pays et à s’engager dans un processus politique constructif sous la direction des Nations Unies. La priorité absolue est que la population syrienne ne souffre pas de ces sanctions, c’est pourquoi elles ne s’appliquent explicitement pas à l’aide humanitaire ni aux équipements médicaux.