Bienvenue sur les pages du Ministère fédéral des Affaires étrangères
La mémoire contre l’oubli
Pour immuniser la société contre le poison de la haine et de l’antisémitisme, nous devons tous témoigner« , a souligné le ministre allemand des Affaires étrangères, Heiko Maas, dimanche 19 avril, à l’occasion du 75e anniversaire du camp de concentration nazi de Sachsenhausen.
Un mort toutes les trois heures
Emil Büge a consigné en cachette dans ses notes intitulées »1470 KZ-Geheimnisse« (1470 secrets du camp de concentration) le quotidien dans le camp de concentration de Sachsenhausen. Il a passé quatre ans dans ce camp, de 1939 à 1943. Sur des bouts de papier, il notait les atrocités dont il était le témoin : les prisonniers qui mouraient de faim, mouraient de froid, mouraient au travail. Ils étaient »battus, maltraités et torturés, tués, pendus, fusillés, étranglés, gazés, empoisonnés, et abattus après avoir subi d’autres traitements incroyablement ignobles« .
Ces »prisonniers« venaient de plus d’une quarantaine de pays, parmi eux beaucoup de Français, de Polonais, de Néerlandais, ils étaient soldats de l’Armée rouge, Juifs, prisonniers politiques, homosexuels et témoins de Jéhovah. Ils périrent à Sachsenhausen. Un mort toutes les trois heures.
Le fait que nous puissions leur rendre hommage dignement aujourd’hui en dépit de la situation actuelle, nous le devons au mémorial de Sachsenhausen. Nous le remercions vivement que cette commémoration soit possible. Chers rescapés, chers descendants, mon homologue polonais, Jacek Czaputowicz, et moi-même aurions aimé être personnellement à vos côtés aujourd’hui. Mais actuellement, nous ne pouvons exprimer notre profonde compassion et notre respect qu’à travers ce message adressé aux victimes et à vous tous. J’adresse ce message conjointement avec Jacek Czaputowicz et suis sincèrement très reconnaissant pour cette marque particulière des liens qui unissent l’Allemagne et la Pologne.
Plus de 20 000 personnes ont perdu la vie dans le camp de concentration de Sachsenhausen. Si nous observions une minute de silence pour chacune d’entre elle, ce silence durerait deux semaines.
Mais la lutte contre l’oubli ne peut être silencieuse. Si la commémoration est diffamée comme culte de la responsabilité, si les victimes sont considérées comme des bourreaux, en Allemagne et à l’étranger, les Allemands ne peuvent pas garder le silence. C’est un devoir au nom de notre responsabilité historique. C’est un devoir au nom du respect dû aux victimes de la folie destructrice de l’Allemagne. Aussi, la présidence allemande de l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste (IHRA) attache la plus haute importance à la lutte contre ceux qui nient ou banalisent la Shoah.
Pour immuniser la société contre le poison de la haine et de l’antisémitisme, nous devons tous témoigner. Ainsi nous avons décidé la semaine dernière de continuer à soutenir pendant dix années supplémentaires le travail de mémoire de Yad Vashem. Car chaque histoire, chaque nom que nous préservons de l’oubli, fait de nous des témoins. Des témoins de ce qui a été. Des témoins de ce qui ne doit plus jamais arriver. Des témoins qui protestent quand des Juifs, des Sinti et Roma sont à nouveau agressés chez nous. Être solidaires avec les victimes et faire preuve de courage contre les bourreaux, c’est notre manière de commémorer aujourd’hui.
C’est le message de Sachsenhausen et des nombreux autres sites de mémoire en Allemagne et en Europe.