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Déclaration de la ministre des Affaires étrangères, Annalena Baerbock, lors de la réunion des ministres des Affaires étrangères du G7 à Tokyo

08.11.2023 - Discours

Se retrouver au niveau du G7 est toujours quelque chose de particulier. Les 18 derniers mois, mais aussi les 36 dernières heures, en ont une nouvelle fois été le reflet.

La raison est à vrai dire évidente : au sein du G7, nous collaborons avec nos amis et partenaires internationaux les plus étroits. Avec eux, nous partageons des valeurs communes, celles de la démocratie et des droits humains, et surtout l’idée commune que nous coopérons au niveau international sur le fondement de règles communes, le droit international, et non sur la base du droit plus fort.

Avec le G7, nous savons cependant aussi que nos valeurs ne nous sont pas tombées du ciel, mais qu’elles exigent de nous un engagement de chaque jour, sans relâche. Nous sommes des économies fortes et démocratiques et nous avons à ce titre une responsabilité particulière, pour nous-mêmes, mais aussi vis-à-vis de l’ordre international. C’est ce que nous faisons en tant que G7, dans un esprit d’équipe, depuis presque deux ans en Ukraine, et nous le disons haut et clair : nous ne sommes pas seulement du côté de l’Ukraine, nous sommes du côté du droit international et de la souveraineté des États, et cela, aussi longtemps que l’Ukraine et donc également le droit international en auront besoin. Nous soutenons l’Ukraine pour qu’elle surmonte aussi du mieux que possible l’hiver qui vient, compte tenu du fait que la Russie prépare à nouveau une guerre énergétique brutale pour cet hiver. Le gouvernement fédéral allemand à lui seul vient de mettre sur la table un paquet de 1,4 milliard d’euros pour le bouclier hivernal au-dessus de l’Ukraine. Ces dernières semaines et ces derniers mois, avec le chancelier fédéral, j’ai plaidé partout dans le monde pour que d’autres participent à ce bouclier hivernal. Je l’ai fait à nouveau ici, à Tokyo, aujourd’hui. Il faut en effet des systèmes de défense aérienne supplémentaires, notamment de type Patriot, pour protéger en particulier les infrastructures énergétiques, mais aussi portuaires, et les installations civiles dans les prochains mois – en rappelant que l’Ukraine a connu des températures jusqu’à -20° l’an dernier. Une importante contribution, dans la perspective de la sécurité de l’Ukraine, sera également fournie par la reconstruction. L’Allemagne organisera en juin 2024 à Berlin une conférence pour la reconstruction de l’Ukraine. Ce sera aussi un moment important pour la souveraineté de l’Ukraine dans les prochaines années.

Cette conférence pour la reconstruction de l’Ukraine de juin 2024 à Berlin, nous voulons aussi l’utiliser pour associer encore plus étroitement la reconstruction avec le processus d’adhésion à l’Union européenne. Il y a en effet une chose que nous ne devons pas oublier : avec ses aspirations de pouvoir impérialistes, Poutine ne cherche pas seulement à séparer l’Ukraine de nous mais, en fin de compte, à détruire la structure de paix européenne.

Cela constitue une menace aussi pour la République de Moldova, la Géorgie et les Balkans occidentaux. L’avenir de nos voisins détermine donc aussi notre propre avenir, notre propre ordre de paix. C’est pourquoi le signal qu’envoie aujourd’hui la Commission européenne au sujet des négociations d’adhésion à l’UE est d’une si grande importance. Ce n’est pas seulement une question d’adhésion de membres supplémentaires, c’est surtout un renforcement de notre union de paix commune.

Hier soir, dès l’ouverture de notre réunion du G7, ici à Tokyo, nous avons parlé en détail de la situation au Proche-Orient. Le Hamas a perpétré en Israël un massacre effroyable contre des Israéliens, femmes, enfants, hommes, de tous les âges. Pour nous, membres du G7, il est clair qu’un mois plus tard, cet acte n’a rien perdu de sa brutalité monstrueuse et qu’il ne cesse de nous obliger à défendre la protection d’Israël, notamment parce que les attaques de missiles de l’organisation terroriste du Hamas se poursuivent.

Nous avons donc souligné une nouvelle fois ici, en tant que G7, qu’Israël n’a pas seulement le droit, mais il a aussi le devoir de protéger sa population dans le cadre du droit international. Dans le même temps, nous voyons la souffrance des Palestiniennes et des Palestiniens. Les images qui viennent de Gaza brisent le cœur lorsque l’on voit des parents désespérés chercher leurs enfants dans les ruines et les gravats. Lorsque l’on voit les carcasses d’immeubles ou des familles qui n’ont rien à manger et rien à boire depuis des jours : tout cela nous oblige, en tant que communauté internationale. Nul ne peut rester indifférent face aux milliers de morts et de blessés à Gaza. Nul ne peut désirer autre chose que le fait que ces gens, la population civile de Gaza, puissent vivre en paix et sans danger. Nous avons dès lors également parlé du fait, lors de la réunion du G7, que le terrorisme du Hamas n’exonère pas Israël de la responsabilité de faire tout ce qui est en son pouvoir pour éviter les victimes civiles et atténuer la crise humanitaire à Gaza.

Le combat est en effet dirigé contre le Hamas et non contre la population civile palestinienne. C’est un dilemme immense, parce que le Hamas utilise de manière tout à fait délibérée la population civile gazaouie comme un élément de son objectif terroriste perfide, celui de détruire la sécurité d’Israël. Ce dilemme immense, ce à quoi nous assistons depuis des semaines, cela signifie qu’Israël doit se défendre pour protéger sa population des attaques de missiles des terroristes. Le dilemme brutal réside dans le même temps dans le fait que les cellules terroristes du Hamas utilisent délibérément des civils, au milieu d’infrastructures civiles, pour continuer d’y exploiter et même de développer des cellules terroristes. Nous lançons donc un appel sans ambiguïté, en tant que G7 : il faut des pauses humanitaires pour apporter à la population de Gaza, qui souffre si terriblement, l’approvisionnement le plus élémentaire en eau, en vivres et en biens médicaux.

Et il faut des pauses humanitaires pour que les otages civils israéliens innocents – des femmes, des enfants, des hommes, des personnes âgées, des blessés – soient enfin libérés. Depuis des semaines, nous travaillons précisément pour que de telles pauses humanitaires soient possibles. Des très nombreux détails, extrêmement concrets, doivent pour cela être clarifiés. C’est ce que nous faisons avec les partenaires de la région, issus des horizons les plus divers. Cela aussi a été l’un des sujets centraux de cette réunion du G7.

Une autre chose que nous voulons souligner clairement ici même, en tant que G7, est que nous ne sommes pas seulement depuis les derniers jours, mais depuis des années aux côtés de la population civile palestinienne. Les États du G7 apportent environ deux tiers du financement de l’UNRWA, l’office d’aide aux réfugiés palestiniens ; ils l’ont fait ces dernières années, et pas seulement depuis hier. Depuis des années, nous sommes les pourvoyeurs essentiels de l’aide humanitaire pour les Palestiniens. Ces dernières semaines et ces derniers jours, l’ensemble des pays du G7 ont encore accru leur aide en faveur des Palestiniens et de l’UNRWA. L’appel que nous lançons depuis cette réunion est donc également celui-ci : nous voulons que d’autres pays financièrement puissants, notamment des acteurs régionaux, s’engagent davantage auprès de l’UNRWA. Et singulièrement ceux qui revendiquent leur engagement particulier envers la cause palestinienne. Même aux heures les plus sombres du conflit, il nous faut réfléchir aussi à l’étape d’après. C’est pourquoi nous ne nous concentrons pas seulement sur le présent, sur la gestion de la crise dans sa phase aiguë et l’atténuation de ces terribles souffrances, mais nous pensons aussi aux jours qui viendront. Nous avons besoin de solutions intelligentes pour définir comment et par qui Gaza pourra être administré dans le futur. Et nous avons besoins d’étapes concrètes en direction de la solution à deux États, quand bien même celle-ci serait encore très éloignée. Lors de la réunion des ministres des Affaires étrangères de l’UE, il y a quelques jours, j’ai déjà formulé quelques idées à ce sujet. Mon homologue américain et ami Antony Blinken en a tout récemment parlé également avec certains pays arabes et discuté avec eux de propositions en ce sens. Ces propositions ont aussi fait l’objet de discussions intenses entre nous, lors de cette réunion du G7. Si nous réfléchissons sur le long terme, pour donner une perspective à la solution à deux États, donner une perspective à Gaza, il faut des axes clairs :

Premièrement, Gaza ne peut, dans le futur, être une source de danger terroriste pour la sécurité d’Israël. Deuxièmement, les Palestiniennes et Palestiniens ne peuvent être expulsés de Gaza. Troisièmement, il ne peut y avoir d’occupation de Gaza mais, idéalement, une protection internationale. Quatrièmement, aucune réduction territoriale de la bande de Gaza ne saurait être envisagée. Cinquièmement, il ne saurait y avoir de solution décidée sans les Palestiniennes et les Palestiniens, et la réflexion doit être menée dans son ensemble avec cette idée qu’à l’avenir, les habitants d’Israël et les habitants de Palestine ont toutes et tous le droit de vivre enfin en paix et en sécurité.

Compte tenu de cette grave crise qui frappe le Proche-Orient et de l’effroyable guerre de la Russie contre l’Ukraine qui se poursuit parallèlement, la priorité que la présidence japonaise du G7 s’était donnée n’a peut-être pas été au premier plan dans la perception de l’opinion publique, mais elle a néanmoins occupé un rôle important lors de cette réunion du G7. Le Japon a en effet placé le thème du Pacifique au cœur de sa présidence du G7, et c’est à juste titre.

Les deux tiers de la croissance mondiale sont produits ici, dans la région du Pacifique. Dans le même temps, les tensions y sont devenues plus que de sombres spéculations. Elles sont devenues clairement perceptibles. Il y a seulement deux semaines, en mer de Chine méridionale, une manœuvre dangereuse d’un navire des garde-côtes chinois a provoqué une collision avec un bateau philippin de ravitaillement. Les menaces militaires de la Chine à l’égard de Taiwan s’accroissent sans cesse.

La Corée du Nord multiplie comme jamais ses tests de tir de missiles dans la mer. Nos partenaires dans la région sentent le vent de la tempête, même si on ne le sent peut-être pas si fort chez nous en raison des crises qui traversent le monde. Mais nous avons assuré à nos partenaires, ici, dans cette région, que nous étions aussi à leurs côtés par vent de tempête. Ici aussi, nous montrons en tant que G7 que nous défendons des règles claires de coexistence entre les États, nous défendons le droit international.

Car le monde ne peut pas se permettre des conflits supplémentaires. Pour la première fois lors d’une réunion du G7, les cinq pays d’Asie centrale ont participé en tant qu’invités, du moins en visioconférence, à nos travaux. Les États d’Asie centrale ont toujours nourri l’espoir d’être un trait d’union entre la Russie, la Chine et l’Europe. Ils se sentent maintenant assis entre deux chaises. La question est de savoir qui, dans cette situation, renforcera sa coopération avec eux. Il y a un potentiel économique gigantesque. Quelle direction vont prendre ces États, du point de vue de leur économie, mais aussi de leur société ? La question est très ouverte dans certains d’entre eux. Il est donc très important pour nous de dire clairement ceci : nous ne voulons pas seulement renforcer ensemble les potentiels économiques, nous voulons, justement, promouvoir le renforcement de la société dans le sens de la démocratie.

Cela veut dire aussi qu’il faut mieux relier l’Asie centrale à l’Europe, par exemple dans le cadre de la stratégie « Global Gateway » de l’UE. Dans un monde de plus en plus marqué par la rivalité des systèmes, dans un monde où des acteurs autoritaires tentent, de façon toujours plus agressive, de marquer le territoire de leurs zones d’influence, dans un monde dont les conflits accentuent les lignes de fracture géopolitiques, nous voulons, en tant que G7, nous entourer de partenaires. En effet, dans la compétition systémique avec des puissances autoritaires, nous ne pouvons exister en tant que démocraties que si nos amis perçoivent, partout autour du monde, et que leurs sociétés perçoivent que nous envisageons avec sérieux un partenariat fiable, fondé sur un ordre basé sur des règles et non sur le droit du plus fort.

Je vous remercie.

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