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Discours de la ministre fédérale des Affaires étrangères Annalena Baerbock à l’occasion de la restitution des bronzes du Bénin

20.12.2022 - Discours

« L’art vit dans l’histoire et l’histoire vit dans l’art. »

C’est ainsi que l’a formulé l’auteure nigériane Chimamanda Ngozi Adichie. Elle décrit ainsi que les artefacts, tels que ceux que nous avons devant nous aujourd’hui, sont bien plus que de simples objets. Ils racontent des histoires. Et nous partageons cet avis.

L’art est révélateur de qui nous sommes. L’art façonne la vision que nous avons de nous-mêmes et notre vision du monde. L’art nous plonge dans notre passé et nous montre quel chemin nous avons parcouru en tant qu’êtres humains, mais aussi en tant que nation et en tant que peuple.

Ainsi, ce que nous vous rendons aujourd’hui, à vous le peuple nigérian, ne sont pas de simples objets. Vous nous avez appris qu’il s’agit d’une partie de votre histoire, une partie de votre identité.

Je pense qu’en tant qu’Allemands et Européens, nous devrions prendre le temps de réfléchir un instant à ce que cela signifie réellement.

Ce que cela signifie de ne pas avoir une partie importante de son histoire près de soi car celle-ci a été confisquée.

Qu’est-ce que cela signifierait pour nous de devoir renoncer à notre patrimoine culturel ? De ne pas pouvoir s’émerveiller devant la Bible de Gutenberg à Mayence ? De ne pas admirer les écrits de Luther ? Ou de ne pas pouvoir se tenir devant une sculpture de Käthe Kollwitz à Berlin ou le bureau de Goethe à Weimar ?

Cela fait naître un sentiment de perte que j’ai beaucoup de mal à imaginer. Mais pour vous, ici au Nigéria, cette perte était votre réalité.

Nous sommes ici aujourd’hui pour restituer ces bronzes du Bénin aux personnes à qui ils appartiennent, au peuple nigérian. Nous sommes ici pour réparer une injustice.

Des responsables de mon pays ont acheté par le passé ces bronzes alors qu’ils savaient que ceux-ci avaient été dérobés et volés. Par la suite, nous avons très longtemps ignoré la demande de restitution du Nigéria.

C’était une faute de les emporter. Mais c’était également une faute de les garder.

Ceci est une histoire du colonialisme européen. C’est une histoire dans laquelle notre pays a joué un rôle sombre et causé d’immenses souffrances dans diverses parties de l’Afrique.

La restitution des bronzes aujourd’hui est une étape importante dans la manière dont nous devrions gérer ce chapitre, c’est-à-dire de façon ouverte, sincère et en étant prêts à évaluer nos propres actions d’un œil critique.

Et l’essentiel est d’être à l’écoute de ceux qui ont été victimes des atrocités coloniales.

C’est cette disposition à discuter ensemble et à écouter qui a rendu possible la restitution de ce jour.

Et j’en suis très reconnaissante à toutes les personnes impliquées. Je tiens particulièrement à remercier les directrices et directeurs de musée ainsi que les spécialistes des deux pays.

Monsieur le Ministre, vous venez de le dire très clairement : ce n’est pas aujourd’hui un moment réservé aux ministres ou aux responsables politiques. De nombreuses personnes ont travaillé de longues années pour en arriver là. Ces applaudissements sont donc à présent pour vous, vous qui êtes assis au deuxième et troisième rang.

J’aimerais remercier la Commission nationale nigériane des musées et des monuments.

Et je suis heureuse que des directrices et des directeurs d’importants musées allemands m’aient accompagnée à Abuja. Mme Barbara Plankensteiner, M. Hermann Parzinger, Mme Léontine Meijer-van Mensch, Mme Nanette Snoep et Mme Inés de Castro, vos musées sont situés à Stuttgart, Leipzig, Berlin, Hambourg et Cologne. Vous avez soutenu ce processus depuis le début.

C’est un moment chargé d’émotion. Car au cours de ce processus, des amitiés se sont nouées. En regardant vers le passé, l’avenir a été forgé.

C’est un ancien gouvernement fédéral qui a initié ce processus important. Au sein de notre nouveau gouvernement, nous nous sommes fixé comme priorité de le faire avancer.

C’est ce qui fait la force des démocraties : les gouvernements changent de temps à autre, mais le bon travail des gouvernements précédents peut être poursuivi. Je me réjouis ainsi d’être accompagnée aujourd’hui de parlementaires issus non seulement des partis au gouvernement mais aussi de l’opposition.

Les Länder et les villes d’Allemagne ont eux aussi joué un rôle décisif. Ce sont eux qui ont permis le transfert de propriété des bronzes et qui ont conclu des accords précurseurs avec le Nigéria. Merci beaucoup, Madame la Ministre Olschowski du Bade-Wurtemberg, d’être venue à Abuja aujourd’hui avec nous, et un grand merci aux Länder pour le rôle qu’ils ont joué dans le cadre de ce processus.

Je dois dire que la présente délégation est l’une des plus grandes avec lesquelles j’ai voyagé en tant que ministre des Affaires étrangères. Le fait que nous soyons tous rassemblés ici, avec la déléguée du gouvernement fédéral à la Culture et aux Médias Claudia Roth et la ministre adjointe aux Affaires étrangères Katja Keul, montre qu’il s’agit d’un formidable travail d’équipe !

Avant tout je suis reconnaissante à nos partenaires nigérians. Votre gouvernement et le peuple nigérian ont ouvert la voie : vous avez pris contact avec des musées et des gouvernements du monde entier et vous avez défendu votre cause des années durant pour arriver enfin à ce que des accords sur la rétrocession de propriété et la restitution d’objets soient conclus.

Ce qui était remarquable pour nous dans ce processus est la confiance témoignée par nos partenaires nigérians qui partagent nos valeurs et notre foi dans le respect et un dialogue ouvert. Nous pouvons vraiment dire que ce processus est venu encore renforcer notre partenariat.

Nous voulons poursuivre sur cette voie, notamment en vous aidant à donner à ces bronzes la présence publique qui vous semble adaptée.

Si l’art vit dans l’histoire et l’histoire vit dans l’art, comme le dit Chimamanda Adichie, alors je pense qu’il est important que les hommes et les femmes, et tout particulièrement les enfants, aient la possibilité de réellement vivre l’art afin qu’ils puissent comprendre leur et notre histoire commune.

En Allemagne, il nous reste des progrès à faire pour rendre l’art encore plus inclusif afin que nous puissions tous en jouir, indépendamment de qui nous sommes, d’où nous vivons et de combien d’argent nous disposons. L’art devrait être accessible à tous au sein de nos sociétés.

Nous nous réjouissons dès lors de financer la construction d’un pavillon d’art au sein du musée national d’Edo et de vous inviter à y exposer les bronzes. Nous avons par ailleurs convenu que certains bronzes seraient présentés dans le cadre d’expositions itinérantes mondiales et que d’autres resteraient dans des musées allemands en tant que prêts, afin qu’ils puissent y raconter vos histoires et votre histoire.

Ce qui importe c’est que vous savez où se trouvent les bronzes. Vous savez qu’ils appartiennent au Nigéria. Et vous savez qu’ils peuvent rentrer chez eux.

Le projet scientifique « Digital Benin  » est un instrument fantastique et universel à cet effet. Il s’agit d’une plate-forme numérique qui rassemble de nombreuses informations sur plus de 5 000 artefacts, leur localisation et leur histoire. Je vous invite tous à explorer cette mine de trésors.

Je trouve un objet du site particulièrement fascinant. Il s’agit d’un tout petit objet, une clé que nous avons amenée aujourd’hui. C’est une pièce unique, magnifiquement décorée de léopards et de visages humains. Son créateur était certainement un grand artiste.

Nous ne sommes pas certains de l’usage qui en a été fait. Peut-être servait-elle à ouvrir un reliquaire, la porte d’un palais ou encore un coffre à trésors. Mais nous savons qu’elle fut emmenée au Royaume-Uni après avoir été dérobée au Bénin. Là-bas, elle fut vendue et arriva ensuite à Cologne en passant par l’Irlande et la France.

Aujourd’hui, la clé est de retour. Elle est de nouveau là où elle doit être.

Je suis émue de voir avec combien d’amour vous avez accueilli aujourd’hui, ici à Abuja, cette clé et les autres bronzes.

Cette clé est un symbole. Elle peut nous permettre d’ouvrir un nouveau chapitre de l’amitié entre nos deux peuples.

C’est la raison de notre présence ici aujourd’hui, pour ouvrir en grand la porte menant vers l’avenir de notre amitié.

Merci beaucoup !

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