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Déclaration nationale du ministre fédéral des Affaires étrangères, Heiko Maas, à l’occasion de la réunion du Conseil de sécurité des Nations Unies sur le soutien à apporter au Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) en amont de la Conférence d’examen de 2020

03.04.2019 - Discours

Nous avons tous tendance à ne regretter les choses qu’à partir du moment où elles ne sont plus là. Mais il y a certaines choses que l’on ne peut pas se permettre de perdre.

L’une d’entre elles est le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires. Imaginons un instant qu’il n’existe pas.

Un nombre bien plus grand de pays seraient en possession d’armes nucléaires.

Les programmes nucléaires que plusieurs États menaient encore après la fin de la guerre froide n’auraient pas été désamorcés.

La méfiance mutuelle serait bien plus grande.

Bref, notre monde serait beaucoup moins sûr. L’exemple du TNP illustre ce que veut dire le diplomate finlandais Martti Koskenniemi quand il emploie à propos du droit international l’expression de « gentle civilizer of nations », bon civilisateur des nations.

L’Agence internationale de l’énergie atomique est d’ailleurs elle aussi un tel « civilisateur ». On s’en rend compte également quand on imagine que l’AIEA pourrait ne pas exister :

sans elle, nous ne disposerions pas d’un niveau de sûreté et de sécurité universel aussi élevé.

Nous n’aurions pas de technologie nucléaire civile qui dans la plupart des pays fonctionne sans enrichissement ni retraitement – sans uranium hautement enrichi, sans plutonium.

300 accords de garanties et protocoles additionnels ont été conclus, 1500 caméras ont été installées et 3000 inspections ont été effectuées sur place, plus d’un million de documents ont été étudiés – tout cela n’existerait pas. Et cela se traduirait par un manque de transparence et de sécurité au détriment de tous les États parties au TNP.

L’AIEA joue également un rôle indispensable dans la mise en œuvre de l’accord nucléaire avec l’Iran, une étape décisive dans la diplomatie de non-prolifération. C’est pourquoi nous ne devons ménager aucun effort pour que l’AIEA poursuive son action indépendante et neutre.

Cela s’applique d’ailleurs également concernant la Corée du Nord. Là aussi, nous avons besoin des capacités de vérification de l’AIEA. Il est tout simplement inadmissible que la Corée du Nord soit le premier et seul pays à s’établir comme puissance nucléaire en violant ouvertement le TNP. Cela porterait un coup dur à l’ordre nucléaire dans son ensemble.

Le risque de prolifération émanant d’une Corée du Nord isolée et dotée de l’arme nucléaire serait incalculable.

Cela stimulerait les dynamiques d’armement.

Et pour finir, ce serait récompenser un pays qui n’a cessé de passer outre les décisions du Conseil de sécurité.

La Corée du Nord doit engager un processus crédible de dénucléarisation. Voilà ce que nous attendons, également comme président du comité des sanctions contre la Corée du Nord.

Chères et chers collègues,

Si nous voulons maintenir le TNP et son universalité, nous devons faire en sorte de préserver ce qui le sous-tend, à savoir l’équilibre entre non-prolifération des armes nucléaires, utilisation des technologies nucléaires à des fins pacifiques et obligation de désarmement nucléaire.

Disons-le concrètement : la Conférence d’examen en 2020 devra faire apparaître clairement que l’article VI du TNP s’applique toujours. Les États nucléaires reconnus sont eux aussi tenus de procéder au désarmement, c’est leur devoir et ce que nous attendons d’eux !

De plus, il est grand temps d’élire un président pour la Conférence d’examen.

Il nous faut une feuille de route qui nous indique le chemin du retour au désarmement nucléaire. J’aimerais proposer aujourd’hui trois éléments concrets :

Premièrement, nous devons réduire les risques d’escalade. Il nous faut :

  • une plus grande transparence concernant les arsenaux nucléaires ;
  • des canaux de communication résistants aux crises ;
  • un dialogue renouvelé des P5 investis d’une responsabilité particulière en matière nucléaire.

Deuxièmement, nous devons jeter les bases techniques d’un monde exempt d’armes nucléaires. L’élément peut-être le plus important pour y parvenir est une vérification crédible. Cela pose des questions difficiles. Par exemple : comment des États ne disposant pas de l’arme nucléaire peuvent-ils eux aussi vérifier le démantèlement d’une ogive nucléaire sans pour autant obtenir un accès au plan de construction d’une bombe atomique? Un exercice de vérification du désarmement que nous coorganisons avec la France au mois de septembre tentera d’y apporter des réponses. Je vous y invite tous vivement.

Troisièmement, nous devons renforcer et développer l’architecture du contrôle des armements nucléaires. Nous faisons du sur place depuis déjà bien trop longtemps. Commençons donc à négocier un traité qui mette fin à la production de matières fissiles destinées à la fabrication d’armes. Nous devrions éclaircir différents points de vue sur certains aspects d’un futur traité au cours des négociations, mais clarifier ces questions ne devrait pas nous empêcher d’engager des négociations.

Et puis, veillons à ce que le Traité d’interdiction complète des essais nucléaires entre enfin en vigueur. Les essais nucléaires doivent faire partie du passé.

Chères et chers collègues,

Aussi bien en Europe, en Asie ou ailleurs, nous ne pouvons pas nous permettre que la stabilité stratégique soit à nouveau ébranlée. Nous devons donc maintenir un traité aussi important et efficace que le traité New Start. Car il n’assure pas seulement la sécurité entre les États-Unis et la Russie, mais c’est également un pilier de la sécurité européenne et de l’architecture nucléaire mondiale. De plus, il met en œuvre un engagement qui découle directement du TNP.

J’en suis convaincu, d’autres mesures de réduction sont possibles, sans pour autant compromettre la sécurité. Les États-Unis et la Russie pourraient et devraient continuer de réduire le nombre de leurs ogives nucléaires et de leurs systèmes vecteurs.

Mesdames, Messieurs,

Précisément en cette période où les divergences s’accentuent, nous devons préserver les acquis qui ont fait leurs preuves. Le TNP est l’un de ces acquis universels, comme je le disais plus haut un « gentle civilizer of nations », un bon civilisateur des nations.

En 2020, il nous faudra assurer son avenir. Cela exigera notre entière mobilisation à tous. Mais notre sécurité et la paix dans le monde devrait en valoir la peine à nos yeux.

Je vous remercie.

[Discours prononcé en anglais]

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