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Un coup de semonce pour la politique climatique

08.06.2020 - Interview

Tribune de Michael Roth, ministre adjoint chargé des affaires européennes, et Svenja Schulze, ministre fédérale de l’Environnement, au quotidien « Handelsblatt ».

Le monde tourne en mode de crise « corona », l’Union européenne fait face à l’une des plus grandes épreuves depuis sa fondation. Nous devons tout faire à présent pour que notre Europe émerge plus forte, plus souveraine et plus résistante de cette crise. Une politique climatique ambitieuse doit être la clé de voûte de notre réponse européenne commune. Car si nous n’agissons pas de manière résolue et clairvoyante, l’incessant réchauffement climatique sera la prochaine crise mondiale, et celle-là sera plus dramatique encore. Il n’est pas question d’attendre que cela se passe tout seul !

Après l’arrêt dû au confinement, nous devons saisir le redressement de notre économie comme une chance de promouvoir avec force des structures économiques écologiques et durables. Aussi, il ne suffit pas de parler à tout bout de champ de « reconstruction ». Il s’agit plutôt d’oser la refonte de notre modèle économique et de croissance européen, d’un véritable nouveau départ. Le « Green Deal » de la Commission européenne nous indique le chemin. Afin de rester un moteur de l’innovation, l’Europe doit passer aux technologies axées sur la neutralité climatique et exploiter l’énorme potentiel du numérique. Les programmes de relance économique doivent impérativement suivre cette direction. Un tel sursaut modernisateur nous permettra de renforcer la compétitivité de l’Europe et de créer de l’emploi. Une protection climatique efficace fondée sur des investissements dans les technologies d’avenir est la force motrice d’une prospérité durable.

Ce nouveau départ offre des chances extraordinaires pour notre économie, pour notre Europe, pour notre planète. Quand l’Allemagne assumera en juillet la présidence du Conseil de l’UE, notre pays portera une responsabilité particulière pour le cap à suivre. Nous devons veiller à faire du budget européen le moteur de notre redémarrage : nous demandons qu’au moins 25 pour cent de nos dépenses soient couplées à la protection du climat, voire 40 pour cent pour le secteur agricole. De même, nous devons nettement affermir les objectifs climatiques de l’UE. Si nous souhaitons devenir d’ici 2050 le premier continent climatiquement neutre, il nous faut viser pour l’année 2030 des objectifs intermédiaires plus ambitieux. Envoyons un signal fort à nos citoyennes et citoyens et au monde entier : en ces temps difficiles, l’Europe va de l’avant et prend au sérieux la mise en œuvre des accords de Paris.

En Allemagne aussi, il est grand temps de poser d’autres jalons. La loi sur la protection du climat a été une étape décisive, certes, mais nous devons continuer d’améliorer nos acquis. Aussi est-ce une bonne nouvelle qu’après une longue situation d’impasse, nous puissions enfin poursuivre le développement des énergies renouvelables ! Car la pandémie ne saurait servir d’excuse pour retarder les prises de décision urgentes. Dans notre pays également, les effets désastreux du changement climatique font depuis longtemps déjà partie d’une inquiétante « nouvelle normalité ». Dans l’ombre du coronavirus, le prochain été de sécheresse ne se fera guère attendre. C’est pourquoi tout le monde doit comprendre que la protection du climat n’est pas un luxe réservé aux temps meilleurs ! De nombreuses entreprises misent d’ores et déjà sur une relance écologique et attendent à présent des décisions nécessaires de la part des responsables politiques. Il importe maintenant d’associer protection climatique et redressement économique lorsque l’État fournit des impulsions au secteur de l’économie. Promouvoir davantage l’électromobilité et les nouveaux véhicules écologiques dans les transports publics constitue une telle impulsion. Pour assurer l’avenir des industries énergivores comme la sidérurgie et le secteur chimique, il est essentiel de favoriser spécifiquement l’essor de l’hydrogène vert sur les marchés. Tous deux ont besoin d’investissements : une protection ambitieuse de l’environnement et notre secteur économique. Cela représente également une chance formidable pour l’Allemagne et tant que site technologique !

Partout dans le monde, le coronavirus dévoile impitoyablement les faiblesses de la politique, de l’économie et de la société. Peu lui importent les frontières, les états d’âmes nationaux et les idéologies. Seule la coopération et la solidarité à l’échelle européenne nous permettront de surmonter cette crise dramatique. Il en va de même pour la lutte contre le changement climatique. Nous devons fournir un effort mondial et agir ensemble pour éviter une crise encore plus redoutable. Mais dans le cas du climat, contrairement à la pandémie, cela fait longtemps que nous connaissons le vaccin. La meilleure prévention, c’est une protection climatique digne de ce nom. L’Europe doit prendre un rôle de précurseur. Nous devons saisir cette crise comme un coup de semonce nous incitant à nous préparer au monde « d’après-corona », un monde qui sera tourmenté aussi bien au niveau climatique que géopolitique. Une Europe solidaire et innovante fondée sur un modèle de prospérité durable et protégeant ses citoyennes et citoyens par son action intelligente et prospective, voilà notre meilleure assurance-vie !
www.handelsblatt.com

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