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Discours du ministre fédéral des Affaires étrangères, Heiko Maas, à l'occasion de la présentation du Livre blanc de la Norvège sur le multilatéralisme

17.06.2019 - Discours

Permettez-moi de vous dire qu'il arrive parfois de se sentir immédiatement au bon endroit. Cela ne m'a pris que quelques minutes. Durant la courte durée du trajet entre l'aéroport et Oslo, j'ai vu sur l'autoroute plus de voitures électriques allemandes que pendant les cinq derniers mois à Berlin.
Et en discutant avec l'ambassadeur Alfred Grannas sur l'électromobilité en Norvège, j'ai appris un nouveau mot : la « rekkeviddeangst » (en français : l'angoisse de l'autonomie).
J'espère l'avoir prononcé correctement. Ce mot décrit le sentiment d'angoisse de ne pas arriver à destination, de ne pas avoir assez d'autonomie pour y atteindre son but.
D'une certaine manière, c'est la question qui nous réunit aujourd'hui. Nous avons peur de perdre peu à peu notre marge de manœuvre dans le monde actuel.
Votre Livre blanc sur la coopération multilatérale met en lumière les défis qui nous attendent dans ce domaine :

  • Le retour de la concurrence entre les grandes puissances.
  • La montée du nationalisme et du populisme.
  • La faiblesse du système international face aux nouveaux défis mondiaux.
  • En résumé : l'érosion de l'ordre international.

C'est un phénomène auquel nous assistons actuellement dans le Golfe. Nous condamnons fermement les attaques contre deux navires survenues hier dans le Golfe. Elles ne menacent pas seulement le libre-échange. Dans le contexte actuel, elles font peser une menace sur la paix.

Mesdames et Messieurs,
Dans un monde où la force prime le droit, la Norvège et l'Allemagne ne peuvent être que perdantes.
Sommes-nous sujet ou plutôt objet de la politique mondiale ? C'est désormais la question centrale pour les Européens.
Pour moi, la réponse est claire. C'est la même réponse que vous donnez dans votre Livre blanc. Notre intérêt primordial doit être de prévenir l'érosion du droit international et de renforcer la coopération multilatérale qui constituent le fondement de notre prospérité, de notre influence internationale et, surtout, de notre mode de vie.
Mon premier message aujourd'hui est donc le suivant : le multilatéralisme est important. C'est la meilleure façon de faire face à la « rekkeviddeangst ».
C'est la raison pour laquelle, nous avons proposé l'an dernier de créer une alliance pour le multilatéralisme.
Un réseau de pays

  • qui partagent un ensemble de règles et de valeurs,
  • qui souscrivent à l'ordre international,
  • qui visent à répondre ensemble aux nouveaux défis.

Et cela m'a fait plaisir que vous ayez apporté votre soutien à cette idée lors de votre visite à Berlin en septembre dernier.
Nous sommes convenus d'adopter une triple approche :
Premièrement, nous voulons défendre les règles et les institutions internationales qui sont actuellement remises en cause, notamment l'accord sur le nucléaire avec l'Iran et l'accord de Paris sur le climat. D'autre part, nous avons notre architecture des droits de l'homme, notre système humanitaire et les accords de maîtrise des armements qui s'effritent. La haute commissaire aux droits de l'homme, Michelle Bachelet, a très bien résumé la situation récemment : « Il faut repousser ce qui nous repousse. »
Ensuite, il est nécessaire de renforcer la coopération internationale dans les domaines où les nouveaux défis appellent de nouvelles réponses. Le changement climatique, la migration et les cyber-menaces ne s'arrêtent pas aux frontières. Il faut donc s'y atteler ensemble.
Enfin, nous voulons réformer les institutions internationales comme les Nations Unies ou l'OMC. Elles doivent refléter le monde et les priorités de notre siècle. Ce n'est pas seulement par équité. C'est une question de crédibilité.
La préservation de l'ordre international exige une approche progressive. Car, comme le dit le proverbe « pierre qui roule n'amasse pas mousse ».

Mesdames et Messieurs,
Nous savons que tout cela est plus facile à dire qu'à faire.
Notre succès dépend de nos partenariats, comme celui que nous avons établi entre la Norvège et l'Allemagne.
Lorsque le système humanitaire a failli s'écrouler sous l'impact de la crise syrienne, nos deux pays ont réuni tous les donateurs à Londres. Nous avons donné l'exemple.
Lorsque la situation dans la région du lac Tchad a presque dégénéré en conflit l'an dernier, nous avons sensibilisé l'opinion internationale et avons aidé les pays de la région à se stabiliser.
Face à la crise climatique, nous avons créé à New York un groupe comptant presque une cinquantaine de pays partageant les mêmes idées. Ensemble, nous veillerons à ce que le changement climatique reste inscrit tout en haut de l'agenda des Nations Unies.

Mesdames et Messieurs,
Ces exemples montrent que le multilatéralisme ne relève pas d'une noble idéologie globaliste. Il est au service des gens.
Cette idée est au centre de votre Livre blanc. Et aucun pays ne l'incarne mieux que la Norvège.
La richesse de la Norvège est un produit de votre ouverture d'esprit et de votre capacité de compromis. Et le mot « compromis » n'a rien de honteux, le compromis qui est toujours basé sur des valeurs fortes. Quand d'autres se taisent, c'est souvent la Norvège qui lève la voix pour défendre les droits de l'homme, l'égalité entre les sexes et les principes humanitaires.
C'est ce qui vous donne de la crédibilité, et c'est la chose la plus importante sur la scène internationale. C'est aussi ce qui vous permet d'être un bon médiateur, que ce soit en Colombie, dans les Philippines ou actuellement au Venezuela.
Le secret de ce succès est que vous n'avez jamais confondu médiation et neutralité. Vous faites preuve d'engagement. Vous vous engagez en faveur des droits de l'homme, de la démocratie et du droit international.
J'ai un deuxième message : nous avons besoin de plus de Norvège dans le monde. Votre pays est un champion du multilatéralisme, un modèle pour beaucoup de pays dans le monde.
Aussi, lorsque notre mandat au Conseil de sécurité prendra fin en 2020, nous serions très heureux de vous proposer notre siège.
Car nous partageons le même agenda :

  • la prévention des crises et la stabilisation,
  • la maîtrise des armements et le désarmement nucléaire,
  • le changement climatique et ses effets sur la sécurité mondiale,
  • la lutte contre l'impunité,
  • le respect du droit humanitaire,
  • enfin, bien sûr, la protection des femmes et des enfants dans les conflits armés.

À quelques mètres du Centre Nobel de la paix où Nadia Murad et Denis Mukwege ont reçu le prix Nobel de la paix l'an dernier, je voudrais réaffirmer notre engagement en faveur de leur cause.
Mesdames et Messieurs,
Il y a encore quelque chose que je voudrais vous dire.
Dans votre stratégie à l'égard de l'Allemagne, que vous présentez aujourd'hui, vous nous qualifiez de « partenaire le plus important en Europe ».
En toute humilité, je vous en remercie très vivement.
Cela me rappelle un article au sujet de votre stratégie européenne publié dans la revue « Politico » et que j'ai lu l'année dernière. On l'a considérée comme une « lettre d'amour de la Norvège à l'UE ». Nous aussi, nous aimerions avoir une lettre d'amour de la Norvège. Et peut-être que votre Livre blanc pourrait en être le premier chapitre.
Mon troisième message sera donc le suivant : les Allemands vous apprécient également. En fait, quand nous avons besoin d'inspiration, nous regardons souvent vers le nord, c'est-à-dire vers la Norvège. Vraiment !
En étant cette année le pays partenaire de la plus grande foire mondiale du livre à Francfort, la Norvège nous offre l'occasion de la découvrir de plus près, au-delà des images de fjords et des navires Hurtigruten. C'est pour nous une opportunité de voir le monde à travers les yeux des Norvégiens, de nous imprégner d'idées norvégiennes.
Et c'est aussi la raison de ma présence ici.
Nous voulons vous écouter. Nous voulons investir dans notre relation. Car nous savons que ne pas avoir de problèmes, c'est parfois un problème.

Mesdames et Messieurs,
Dans un monde en crise permanente, il est essentiel de connaître ses amis. Et un ami comme la Norvège est le meilleur remède contre la « rekkeviddeangst »,
parce que, Mesdames, Messieurs, les Allemands ont besoin de temps en temps que quelqu'un leur dise ceci : « Det ordner seg! » (en français : Tout ira bien !)
Merci de jouer ce rôle !

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