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L’Amérique latine, les Caraïbes et l’Europe sont des alliés naturels.

02.05.2019 - Interview

Le moment est venu d’en faire quelque chose de grand. Tribune du ministre fédéral des Affaires étrangères publiée dans le quotidien « Der Tagesspiegel  ».

La diplomatie peut être injuste. Venezuela, Syrie, Corée du Nord : quand il y a autant de crises dans le monde qu’à l’heure actuelle, cela mobilise presque toutes les forces. Investir dans des partenariats établis de longue date, développer des alliances, tout cela passe alors au second plan.

C’est pourtant risqué. Car dans un monde de plus en plus opaque, il nous faut des partenaires forts. L’ordre international avec ses règles bien définies et ses certitudes est défié de plus en plus ouvertement, également d’un côté inattendu. Notre démocratie libérale est remise en cause par des modèles autoritaires, la Chine et la Russie n’étant ici que les acteurs les plus visibles. Le protectionnisme devient une menace pour le commerce international. Partout dans le monde, ceux qui prônent le repli sur soi et misent sur les murs font des adeptes de plus en plus nombreux.

C’est le paradoxe des populistes. Car la mondialisation, la transformation numérique, la migration et le changement climatique – aucun de ces phénomènes ne s’arrête aux frontières. Il est dangereusement naïf de croire que les défis planétaires puissent être cantonnés à l’extérieur ou se régler sur le plan purement national !

L’enjeu est de taille pour nous, en Amérique latine, aux Caraïbes et en Europe. Dans un monde dans lequel le droit du plus fort remplace la force du droit, nous ne pouvons que perdre. Nous ne sommes pas des superpuissances militaires. Nous ne pouvons pas et ne voulons pas dicter nos règles aux autres. Si nous voulons avoir voix au chapitre, si nous voulons éviter que d’autres prennent des décisions sans nous consulter, nous devons serrer les rangs.

L’Atlantique nous sépare, mais nos valeurs et nos intérêts sont similaires et nous entretenons des liens culturels étroits. Nous vivons dans les régions les plus démocratiques du monde. Nous croyons à des règles internationales qui assurent la sécurité juridique et contribuent à la croissance économique et à la prospérité. Nous croyons à la coopération internationale parce que nos pays tirent profit de l’échange et de l’ouverture. Nous sommes convaincus que nous sommes plus forts ensemble que chacune ou chacun d’entre nous ne peut l’être. Bref, nos pays sont des alliés naturels.

L’Allemagne voudrait lancer sur cette base une nouvelle initiative pour l’Amérique latine et les Caraïbes. Le coup d’envoi de cette initiative sera donné par une conférence qui se tiendra le 28 mai à Berlin et à laquelle j’ai convié mes homologues d’Amérique latine et des Caraïbes. Nous voulons discuter ensemble et redéfinir, ensemble, notre partenariat. Nous ne faisons d’ailleurs pas cela tout seuls puisque des experts en matière de politique étrangère et de sécurité, d’état de droit, de climat et de coopération scientifique seront là pour nous conseiller.

Nous proposons à nos partenaires un programme commercial positif. L’Amérique latine, les Caraïbes et l’Europe ne doivent pas devenir le dommage collatéral du litige commercial entre les États-Unis et la Chine. En tant qu’Européens, nous tablons sur un commerce équitable qui respecte les normes sociales et environnementales et préserve les droits des travailleurs. Nous y sommes parvenus dans les accords commerciaux avec le Chili, le Mexique, ainsi que dans les accords multipartites avec le Pérou, la Colombie, l’Équateur et la région de l’Amérique centrale. S’entendre avec les pays du MERCOSUR sur un accord de libre-échange constituerait un nouveau pas important pour montrer que nous façonnons le système commercial international d’après nos valeurs car nous croyons qu’il devrait être au service de nos citoyens et non l’inverse.

Les habitants de nos pays attendent à juste titre que nous organisions la mondialisation et la révolution numérique avec justice et humanité. Si nous n’avons plus à l’avenir que le choix entre une technosphère états-unienne et une technosphère chinoise, alors cette ambition se perdra. Un volet de notre initiative est donc un forum pour l’avenir qui sera organisé à Berlin et au cours duquel nous nous efforcerons, de concert avec nos amis d’Amérique latine et des Caraïbes, de trouver des réponses à ces questions urgentes : Que signifie la révolution numérique pour notre sécurité et pour l’équilibre international des forces ? Comment nos démocraties peuvent-elles se défendre contre la désinformation dans le cyberespace ? Des réponses à ces questions dépendra si nos sociétés ouvertes peuvent s’affirmer face aux contre-projets autoritaires.

Renforcer les droits des femmes représente l’un des grands axes de notre initiative. Nous sommes tous attachés à l’égalité entre les femmes et les hommes, à ce que femmes et hommes bénéficient des mêmes droits et des mêmes opportunités. Car nous savons que sans égalité il ne peut y avoir de vraie démocratie. Néanmoins, il nous faut bien reconnaître que la lutte contre l’inégalité de traitement, la discrimination et la violence sexuelle est loin d’être gagnée. La création d’un réseau de femmes germano-latino-américaines vise donc à rassembler celles et ceux qui luttent pour des chances égales pour les femmes et les hommes et rendent ainsi nos sociétés plus fortes.

Né il y a 250 ans exactement, Alexander von Humboldt, le grand chercheur et explorateur de l’Amérique, a médité sur l’idée d’un gouvernement mondial sans lequel l’histoire du monde ne serait pas compréhensible. Je crains que son rêve ne reste une utopie. Il nous appartient de promouvoir et de défendre nos valeurs et intérêts communs à l’échelle mondiale. Ensemble, nous en avons la force : avec leurs 61 pays, l’Union européenne et la région Amérique latine-Caraïbes représentent près d’un tiers des États membres des Nations Unies. Nous sommes plus d’un milliard de femmes et d’hommes et nous produisons 40 pour cent du produit mondial brut. Il est temps d’exploiter cette force ensemble.

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