Bienvenue sur les pages du Ministère fédéral des Affaires étrangères

« Seule l’Europe unie a une chance »

27.11.2018 - Interview

Interview du ministre fédéral des Affaires étrangères Heiko Maas aux quotidiens Rheinische Post et General-Anzeiger.

Monsieur le Ministre, l’Union chrétienne-démocrate, votre partenaire de coalition, se querelle actuellement au sujet du pacte mondial des Nations Unies sur les migrations. En quoi cet accord est-il positif pour l’Allemagne ?

Avec le pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières, la communauté internationale a formulé une réponse commune à une question qui nous regarde tous. Partout dans le monde, les migrations sont une réalité, tout simplement, et ce texte servira désormais à créer des bases solides pour la gérer. C’est une bonne chose non seulement pour l’Allemagne mais aussi pour l’humanité entière, car le pacte souligne que la dignité humaine est indivisible.

Cela nécessite-t-il un accord ?

Le pacte sur les migrations est un grand progrès. C’est une déclaration d’intention politique à laquelle la plupart des quelque 190 États des Nations Unies vont adhérer. L’objectif est d’établir des normes aussi harmonisées que possible en matière de reconduite. Nous devons endiguer les filières de passeurs, sécuriser les frontières, lutter contre les causes des migrations. La question migratoire est l’un des sujets les plus pressants au monde. C’est pourquoi il est positif qu’un maximum de pays se rassemblent derrière ce pacte de l’ONU.

Le pacte fait l’objet d’un débat houleux. Est-ce une campagne de la part de l’extrême-droite ?

Les populistes de droite instrumentalisent la question des migrations pour attiser la peur avec de fausses affirmations. Ce n’est pas nouveau. Il est donc d’autant plus important que nous en discutions à large échelle afin de pouvoir y riposter par des faits : le pacte sur les migrations n’est pas une menace, mais un acte de sagesse.

Pourtant, votre slogan «  Europe united  » ne fonctionne pas pour les migrations...

Au contraire : aucun pays en Europe ne pourra régler à lui seul ce dossier. Gérer et contrôler les migrations représente un défi mondial que nous ne pourrons affronter qu’ensemble. Il nous faut tenter de trouver un consensus en Europe, aussi minimal qu’il soit.

À partir du printemps, lorsque l’Allemagne siègera pendant deux ans au Conseil de sécurité des Nations Unies comme membre non permanent, vous avez l’intention de former avec la France un tandem européen au sein de cet organe international. Verrons‑nous alors « Europe united  » contre « America first » ?

Non, mais : c’est notre influence politique qui est en jeu. Les Européens n’ont aucune chance d’imposer leurs valeurs et leurs intérêts, par exemple concernant les sujets commerciaux ou le conflit autour de l’accord sur le nucléaire iranien, si chaque pays doit traiter tout seul avec les États-Unis. Cela vaut à plus forte raison encore pour les dossiers controversés avec la Russie ou la Chine. Ce n’est qu’en tant qu’Europe unie que nous avons une chance réelle. Notre capacité d’affirmer nos valeurs et nos intérêts en dépend.

Donc une armée européenne ?

Il est évident que l’Europe doit évoluer sur le plan de la défense également. Dans ce contexte, l’UE est en mesure de déployer des capacités militaires et civiles et de les combiner. Et si en plus nous parvenions à mener une politique étrangère plus efficace en remplaçant, pour certaines décisions, le principe de l’unanimité par celui de majorité au sein du conseil des ministres des Affaires étrangères, cela serait un grand pas en avant.

Le Conseil de sécurité des Nations Unies est‑il toujours à l’image du monde d’aujourd’hui ? L’Afrique et l’Asie ne devraient‑elles pas être représentées davantage ? Après tout, l’Allemagne aussi aspire à un siège permanent.

Le monde a changé fondamentalement et il est vrai que dans sa composition actuelle, le Conseil de sécurité ne reflète plus ces nouvelles réalités. Il doit donc être réformé. À cette fin, nous nous organisons avec des pays dont les intérêts sont semblables à ceux de l’Allemagne, tels que le Japon ou l’Inde. Dans l’ensemble, le processus de réforme traîne beaucoup depuis des années. Nous devrions arrêter de tourner en rond et entamer de vraies négociations sur une réforme – comme le souhaite d’ailleurs depuis longtemps l’immense majorité des États membres.

Si l’Allemagne assume davantage de responsabilités dans le monde, y aura‑t‑il aussi plus casques bleus allemands ?

Nous voulons être des artisans de la paix. Cela signifie que les interventions militaires restent le dernier recours. Nous voulons plutôt nous attaquer aux racines des conflits. Je pense en particulier au changement climatique et aux migrations. Nous sommes un État membre résolu à assumer des responsabilités dans la mesure de nos possibilités.

Dans l’est de l’Ukraine également ?

Nous souhaitons effectivement profiter de notre mandat au Conseil de sécurité pour aborder la question d’une opération de paix dans la région. Si les présidents russe et ukrainien, Vladimir Poutine et Petro Porochenko, n’excluent pas catégoriquement une telle mission de l’ONU, leurs idées sont toutefois diamétralement opposées quant à sa mise en œuvre. Il est très difficile de progresser. À ce jour, les accords de Minsk signés au printemps 2015 restent en grande partie lettre morte. Cependant, malgré toutes les difficultés, nous devons tout tenter pour donner de nouvelles impulsions au processus de paix.

Une mission des Nations Unies approuvée par la Russie contre une levée progressive des sanctions contre Moscou : cela serait‑il concevable ?

C’est l’Union européenne qui prend des sanctions à l’encontre de la Russie. Notre but immédiat reste la stabilisation de l’Ukraine et la mise en place d’un cessez‑le‑feu digne de ce nom. Si ensuite nous parvenons à faire appliquer les accords de Minsk, alors nous pourrons discuter de la levée des sanctions. Mais seulement à ce moment‑là.

Le poutinophile Gerhard Schröder a critiqué vos propos clairs concernant la politique de distanciation de la Russie par rapport à l’Occident. Une ancienne querelle entre camarades du SPD ?

Ma position quant à la Russie dépend uniquement du comportement de Moscou. Si le dialogue avec la Russie est indispensable pour résoudre les conflits internationaux, il est nécessaire également que nous formulions nos propres attentes sans aucun équivoque. Cela ne concerne pas seulement le rôle de la Russie en Ukraine, mais aussi la guerre en Syrie.

À quand votre prochain voyage en Arabie saoudite ?

Il n’est pas nécessaire que je sois sur place pour expliciter notre position : nous demandons de la transparence et l’éclaircissement total de l’abominable assassinat de Jamal Khashoggi. Il faut que les coupables et les commanditaires de ce crime rendent des comptes. Nous avons complètement stoppé les exportations d’armements. Cela concerne également les livraisons déjà autorisées.

[...]

Propos recueillis par : Michael Bröcker, Holger Möhle

Rheinische Post

General-Anzeiger

Retour en haut de page