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« Quand il luttait pour ses droits, il luttait toujours aussi pour sa dignité. »

03.08.2018 - Discours

Discours prononcé le 2 août à Berlin par le ministre fédéral des Affaires étrangères Heiko Maas lors d’un concert à l’occasion du centenaire de la naissance de Nelson Mandela qui a passé 27 ans dans les prisons du régime d’apartheid en Afrique du Sud.

Combien de messages avez-vous déjà envoyés aujourd’hui ? Par texto, WhatsApp ou l’un des innombrables autres moyens à notre disposition ?

Peut-être juste avant ce concert, pour se donner rendez-vous ? Ou une photo du Gendarmenmarkt devant le soleil couchant ?

Nous sommes sans cesse en train de communiquer. La communication est pour nous quelque chose de vital.

Aussi, je me demande : qu’écrit-on quand on n’a que droit à deux lettres par an ? Quand on sait que chaque lettre écrite à un proche sera lue par un tiers ? Ou, au pire, qu’elle ne sera lue que par un censeur, sans jamais atteindre son destinataire ?

Voilà ce qu’a vécu Nelson Mandela. Il y a deux semaines, à l’occasion du centenaire de son anniversaire, a été publiée une sélection de ses lettres écrites au cours des 27 ans de sa détention.

Des lettres à sa famille (après dix ans de prison, on lui en avait tout de même concédé six par mois), mais aussi à ses avocats, ses soutiens, ses amis et aux autorités.

Des lettres qui parlent d’amour, de la mort d’anciens alliés et de la lutte pour la liberté. Elles nous donnent une idée du courage de Nelson Mandela, de son humanité et de sa persévérance.

Il se plaint par exemple lorsqu’on lui prend son stylo ou que sa fille n’a pas reçu ses vœux d’anniversaire.

Quand il luttait pour ses droits, il luttait toujours aussi pour sa dignité.

Au début de mes études, en 1989, cela faisait 26 ans déjà que le détenu le plus célèbre au monde était en prison. Je me suis souvent demandé alors quel effet cela pouvait avoir sur les personnes.

Comment fait-on pour résister au cynisme ?

Les lettres de Nelson Mandela témoignent de sa capacité à ne jamais perdre espoir, même dans les conditions les plus pénibles.

Voici ce qu’il écrit à son épouse Winnie :

« La détention a au moins le mérite d’offrir une bonne occasion pour travailler sur sa propre conduite, corriger le mauvais et développer le bon que l’on porte tous en soi. »

Impossible de briser un homme qui vit, écrit et pense ainsi. Car un tel homme ne perd jamais espoir.

L’année où Nelson Mandela retrouva sa liberté après 27 ans de détention fut aussi l’année où notre pays surmonta les longues années de sa division. La réunification de l’Allemagne et la libération du leader sud-africain en 1990 suscitèrent des moments d’espoir dans le monde entier.

Aujourd’hui, près de 30 ans plus tard, on peut dire que nos espoirs se sont pour la plupart réalisés. L’Afrique du Sud est devenue la nation arc-en-ciel démocratique dont rêvait tant Nelson Mandela. Et l’Allemagne est réunifiée dans la paix et la liberté.

Cependant, tout ne va pas pour le mieux. En Europe et au-delà, nous sommes témoins aujourd’hui de la transformation de démocraties en autocraties, de la division et de la radicalisation que les populistes opèrent au sein de nos sociétés.

Chez nous aussi, les polémiques et les hostilités viennent de plus en plus souvent se substituer au dialogue et à l’entente. Et chez nous aussi, des personnes sont exclues en raison de leurs origines ou agressées en raison de leur religion.

C’est exactement le contraire de ce que Nelson Mandela a toujours incarné et incarnera toujours, lui qui a réconcilié les groupes ennemis, qui a milité pacifiquement pour le changement politique et qui a pardonné malgré la souffrance qu’il a connue lui-même pendant des décennies sous la terreur de l’apartheid.

« C’est le même été qui nous réchauffe et le même hiver qui nous gèle tous, et c’est en prenant conscience de cette existence commune que nous pourrons vivre ensemble. »

L’humanité qui parle à travers ces mots devrait être pour nous une source d’inspiration, aujourd’hui plus que jamais.

Une source d’inspiration et de courage pour défendre les valeurs qui définissent aussi notre propre pays : la tolérance, la diversité et la liberté.

L’orchestre sud-africain MIAGI se consacre à la promotion de jeunes talents issus de toutes les classes sociales. Vous avez déjà pu constater à quel point ils sont doués et ce dont ils sont capables. Cela aurait plu à Nelson Mandela qui a lutté toute sa vie pour cette égalité des chances précisément. Je suis donc convaincu qu’il n’y a guère de meilleure façon de fêter son anniversaire.

Je vous remercie de m’avoir invité et vous souhaite un excellent concert aux rythmes de MIAGI !

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